Lieu et période où l’expérience a eu lieu
Ecole d’enseignement secondaire général, technique et professionnel de la ville de Visé (région liégeoise). Cette école compte un grand nombre d’élèves issus de l’immigration. Année scolaire 2011-2012.
Principaux acteurs impliqués (avec une attention particulière pour le profil de l’élève)
• Un des élèves de l’école (aujourd’hui âgé de 17 ans) particulièrement intéressé par le programme et les activités que la formation EPTO proposait. Il a suivi la formation et est devenu à son tour formateur. Il nous livre son témoignage.
• Le responsable de l’AMO « Reliance » (Association d’Aide en Milieu Ouvert) a proposé l’outil EPTO à l’école et a accompagné la démarche pendant plus d’un an.
Description des faits
L’école a mis en place une cellule « Bien-être » qui développe des actions axées sur le sentiment d’appartenance à l’école. La dynamique est de créer du lien entre les différents intervenants de la communauté scolaire. Prendre connaissance de l’autre, de ce qu’il est, de ce qu’il fait, permet de créer un climat de travail plus agréable et évite peut-être également une perte de temps et d’énergie (par rapport à un projet par exemple).
Dans ce cadre, une dizaine d’enseignants et un proviseur de l’école ont participé à la formation EPTO organisée par l’AMO. Cette formation vise à remettre en question les stéréotypes, les préjugés et à mobiliser les acteurs de l’école pour lutter contre l’exclusion. Diverses activités ont permis aux participants de prendre conscience des différences identitaires de chacun.
Au terme de la formation, les participants ont souhaité former à leur tour d’autres enseignants et des élèves afin de promouvoir la lutte contre les préjugés et les discriminations dans l’établissement.
Des élèves de 3ème année et de 4ème année intéressés par l’outil EPTO ont été formés. A leur tour, ils en ont formé d’autres. Une centaine d’élèves de la 2ème année à la 6ème année a ainsi été formée en un an.
La direction a soutenu le projet, car il amène à instaurer un dialogue au sein de l’école, à parler des différences (comme par exemple, le port du voile interdit à l’école), à travailler sur le bien-être en rapport avec le milieu scolaire.
Actions menées pour résoudre la situation
EPTO est un outil de dynamique de groupe. L’objectif de la formation est multiple : sensibiliser les jeunes aux idées préconçues qu’ils ont d’autres jeunes issus d’origines diverses ou de quartiers différents du leur, mais aussi résoudre une difficulté d’ordre relationnel dans un groupe.
Au terme de la formation, les jeunes se connaissent mieux eux-mêmes, mais également entre eux, et cela améliore notamment la cohabitation.
La formation se déroule en résidentiel durant 5 jours et prend la forme d’activités interactives, de discussions, de simulations, de jeux de rôles, de jeux de coopération…
Elle comporte deux phases : prise de conscience de son identité « qui suis-je ? » (mon parcours familial, religieux, culturel, mon rapport aux autres, …), exercices sur les préjugés, les discriminations (que l’on va déconstruire).
Ces exercices permettent aux jeunes de réfléchir sur eux-mêmes d’une autre manière que celle utilisée par le psychologue du Centre Psycho-Médico-Social (CPMS) ou leur éducateur référent. Ils posent un regard neuf sur eux et sur les autres.
Les différents exercices ont été présentés par le responsable de l’AMO et l’élève devenu formateur, lors d’une réunion du groupe de travail d’Inforef (formé de divers acteurs de l’Education en Fédération Wallonie-Bruxelles : enseignants, éducateurs, médiateurs scolaires, agents CPMS, AMO…).
En voici les principaux :
• L’exercice des « cordes » qui installe le respect au sein du groupe
• l’exercice du « tapis volant » qui permet au groupe de collaborer.
• L’exercice du « nœud » qui permet à chacun des participants de trouver sa place.
• L’exercice des « cercles concentriques » qui permet aux participants d’échanger des informations plus personnelles.
• L’exercice la « molécule d’identité » qui permet à chacun de se rendre compte qu’il est inclus dans différents groupes d’appartenance.
• L’exercice des « migrations » est particulièrement pertinent. Les jeunes réfléchissent à leur parcours et à celui de leur famille. L’aspect ludique de cet exercice leur permet de prendre les choses à la légère alors qu’ils font un énorme travail sur eux–mêmes et sur leur histoire. Ensuite, ils comparent avec le reste du groupe et remarquent des histoires communes.
• L’exercice « à vos marques » au cours duquel les participants avancent ou reculent par rapports à divers sujets. Ils prennent conscience que tout le monde est différent, mais qu’il faut rester soudé.
• L’exercice « je me positionne » qui permet aux participants de s’exprimer librement et de donner leur opinion sur différents sujets…
Après les 3 premiers jours de formation, les participants reçoivent le syllabus EPTO, avec lequel ils se préparent à donner eux-mêmes les exercices lors de la dernière journée. Cette journée leur permet de déterminer s’ils sont prêts à donner la formation et à devenir à leur tour formateur (« peer trainer »).
Résultats obtenus
L’élève devenu « peer trainer » s’est investi au maximum dans l’évolution d’EPTO dans l’école, car la méthodologie d’EPTO fait avancer les choses à grands pas : « je ne pensais vraiment pas pouvoir lutter contre toutes ces sortes de discriminations qui tournent dans l’école. Et pourtant, aujourd’hui, je me rends compte que nous avons vraiment fait bouger les choses ! Non seulement, j’ai pris de la confiance et de l’assurance en moi, alors que je n’en avais pas et que j’étais « perdu » et je me rends compte également que les élèves de l’école sont particulièrement attentifs à ce nouveau projet. »
Cet élève témoigne également d’un processus qui engage les jeunes à devenir responsables :
• non seulement dans l’école (il y est devenu formateur EPTO pas seulement pour les élèves, mais aussi pour les professeurs, puis superviseur de formation, puis appelé à intervenir dans la résolution de problèmes en lien avec la formation),
• mais aussi hors école (comme par exemple, oser prendre la parole en public dans le cadre d’autres activités …)
L’école envisage d’utiliser l’outil EPTO en début d’année scolaire, pour l’accueil des élèves de 1ère année et de 2ème année (se connaître, intégrer le règlement de l’école, …).
Des contacts plus riches et une meilleure cohésion ont également été constatés entre les enseignants ayant participé à la formation EPTO. « Nous avons ressenti, au fur et à mesure de l’année, une amélioration de l’ambiance entre professeurs et pas seulement ceux formés à EPTO. Ce qui a permis la mise en place de nouveaux projets (théâtre pour les élèves du degré supérieur par exemple). »
Le soutien et la collaboration de l’AMO se sont révélés très importants.
Des étudiants en psychologie et en criminologie de l’université de Liège ont été chargés d’évaluer l’évolution du climat d’école.
Selon les responsables d’EPTO Bruxelles (
http://www.epto.org/), il n’y a pas d’autre expérience d’école. Le concept est peu connu et lourd à porter. Implémenter EPTO dans une école nécessite qu’une association externe porte le processus et que la direction et les professeurs de l’école soient preneurs et motivés.
Soutien reçu par les condisciples, collègues, direction et parents
• Soutien au projet par la direction et la cellule « Bien-être »
• Formation de plusieurs membres de l’équipe éducative qui utilisent les exercices EPTO en classe
• Condisciples preneurs du projet et qui, pour certains, deviennent à leur tour formateurs
Points forts et points faibles de l’expérience
EPTO (European Peer Training Organisation), ce sont des jeunes européens qui utilisent « l’éducation par les pairs » pour sensibiliser d'autres jeunes et les amener à lutter à leur tour contre les nombreuses formes de discriminations qui gangrènent nos sociétés. Cette méthode repose sur l’idée qu’un message délivré à un jeune par un autre jeune est souvent plus crédible et efficient que lorsqu’il est transmis par les figures représentant l’autorité.
(Inforef a rédigé une fiche descriptive du programme EPTO, à consulter sur le site « School Safety Net », rubrique training source :
http://schoolsafetynet.pixel-online.org/DB_tsource_scheda.php?art_id=82&ta=2&tg=&tp=&lp=&lr=1&q=)
Points forts
• Pour l’équipe éducative, la formation EPTO est outil intéressant pour promouvoir la lutte contre les préjugés et les discriminations au sein de l’établissement.
• La formation EPTO agit comme facilitateur de communication entre les personnes formées.
Points faibles
Lors de l’échange qui a suivi la présentation de la formation au groupe de travail d’inforef, les questions et remarques suivantes ont été formulées :
• Est-ce le bon outil pour instaurer un dialogue au sein de l’école ? Cette formation invite à se mettre à nu devant les autres sur son identité culturelle, religieuse, … ? Elle ne doit pas aboutir à ce que les jeunes se dévoilent au-delà de ce qu’ils veulent.
• Cette formation ne peut être imposée par l’école. Elle doit s’organiser sur base volontaire.
• D’autres outils sont disponibles pour instaurer un dialogue au sein de l’école, notamment ceux proposés par l’Université de paix.
