Donner des indices d’explication possible du succès
• C’est grâce au dispositif « école citoyenne » que le problème a trouvé une issue positive pour tous les acteurs. Dans cette démarche, les élèves construisent les lois et les font respecter grâce à un « conseil de citoyenneté » élu démocratiquement.
A l’école concernée, le « conseil de citoyenneté » est composé de 13 représentants : 4 élèves, 2 professeurs, 1 éducateur, 2 coordinateurs, le directeur, ainsi que 3 « mousquetons noirs » : « élèves irréprochables, qui ont obtenu toutes les compétences de savoir-être souhaitées » (il faut un an et demi pour obtenir le mousqueton noir et jouer un rôle dans l’école. Au départ, on est « mousqueton gris »).
Au sein du conseil, l’école essaye de garder une équité entre élèves et adultes. Elle met l’accent sur le fait que la parole d’un élève égale celle d’un adulte. Il y a débat autour de la table et tout le monde est écouté.
L’objectif de ce dispositif est de réagir préventivement à la violence en impliquant directement les élèves. Ils respecteront plus vite les règles de vie qu’ils mettent en place plutôt que celles qui leurs sont imposées.
• Cette démarche est intéressante car elle permet une résolution en douceur du problème. La recherche de solution se fait de manière progressive (on ne tranche pas dans le vif) et dans le respect mutuel. Il n’y a pas de stigmatisation du harceleur.
L’école fixe les limites tout en préservant et en recherchant la valeur de chaque élève. La sanction est avant tout un outil de responsabilisation, de progression individuelle, de prise de conscience des faits, de leur gravité et de leurs conséquences. La sanction étant menée à son terme, elle prouve à tous que l’élève a compris sa faute.
Dans le cas de Kevin, la réparation peut paraître légère. Mais pour les responsables de l’école, elle peut être faible et avoir un grand effet si elle vient de l’agresseur.
Si l’école avait opté pour une gestion plus traditionnelle de la plainte, celle-ci aurait probablement abouti au renvoi définitif de Kevin. Il n’aurait probablement rien compris et aurait peut-être poursuivi son harcèlement à l’extérieur de l’enceinte de l’école.
Les conséquences pour la victime seraient encore plus importantes et peut-être plus douloureuses. Il y aurait peut-être moins d’ennuis à l’école, mais les responsables de l’école auraient simplement déplacé le problème, sans faire leur travail d’éducation à fond.
• Si cette démarche est intéressante, elle ne se met toutefois pas en place sans difficultés :
« peurs » d’un certain nombre d’enseignants de perdre leur position de « maître » dans leur classe, de devoir se justifier devant un « jury » composé d’élèves, de devoir en faire plus alors qu’ils sont déjà épuisés, … Toutes ces peurs sont autant de freins à la bonne marche du dispositif.
Une communication claire et fréquente est essentielle, autant avec les enseignants que les élèves, en vue d’assimiler les nouveaux concepts et habitudes et de diffuser les infos relatives au bon déroulement du dispositif. Malheureusement, l’école est un lieu où la communication est difficile.
La démarche demande beaucoup de disponibilité et d’énergie, tant pour son installation que son bon fonctionnement. Si trop peu de personnes s’impliquent (ou s’impliquent de manière trop inégale), le dispositif perd de la vitesse comme de l’efficacité. Ce qui peut introduire un sentiment d’impunité dans le chef des élèves.
Chaque école doit donc inventer la formule et les procédures qui lui conviennent. Il faut les co-construire « pas à pas » avec les enseignants pour qu’ils deviennent acteurs du dispositif.
Analyser l’interaction entre les différents acteurs impliqués
La résolution du problème via la démarche « école citoyenne » engendre de nombreuses interactions entre tous les acteurs scolaires :
• Le directeur rencontre Dorian et lui explique le fonctionnement du « conseil de citoyenneté ». Il le rassure, car celui-ci a peur d’être une « balance ».
• L’éducateur prend le relais du Directeur pour convaincre Dorian de participer au « conseil de citoyenneté ».
• « Les mousquetons noirs » soutiennent Dorian et plus particulièrement l’un d’entre eux, membre de sa classe. Ce sont également eux qui, avec l’aide de l’éducateur, ont fait exprimer à Dorian son problème.
• Les « mousquetons noirs » ont pris des initiatives à l’égard de l’agresseur pour essayer de résoudre le problème. Ils ont averti les responsables de l’école de l’échec de leur médiation.
• Les harceleurs ont fait des excuses sincères sans toutefois manifester d’empathie à l’égard de la victime.
• Le titulaire de la classe est membre du « conseil de citoyenneté ». Il a participé à l’ensemble du processus de résolution du problème.
• Le professeur d’atelier qui avait d’abord pris parti pour l’agresseur (Kevin était un de ses élèves qui avait déjà assez de problèmes) a été invité au « conseil de citoyenneté » et s’est rallié aux décisions prises.
• Le Directeur a été informé le premier des faits de harcèlement. Il a délégué la résolution du problème au « conseil de citoyenneté » et a participé à celui-ci.
• La maman de la victime a été informée par son fils et a directement pris contact avec le Directeur. La maman de l’agresseur a été informée par l’éducateur d’insertion.
• Les parents ne sont pas intervenus dans la résolution du problème. Ils sont informés de la démarche « école citoyenne » mise en place par l’école.
Décrire l’action des politiques éducatives, au niveau local, régional ou national
La mise en place du dispositif « école citoyenne » est porteuse d’un potentiel étonnant par rapport aux priorités du « Décret Mission » de l’Enseignement au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles et elle participe à l’accrochage scolaire :
• « Promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne »
Cette priorité se retrouve dans l’impact principal du dispositif : un environnement où les acteurs se sentent bien et en sécurité, une école « pacifiée » où il fait bon vivre. Que les élèves se sentent mieux pour apprendre et les adultes pour enseigner et éduquer est une préoccupation constante du dispositif.
• « Développer des savoirs et des compétences qui rendent les élèves aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle ».
A travers l’encouragement à faire des élèves des acteurs dans le cadre complexe de l’école, le dispositif vise aussi à les amener à prendre une place active dans la société. Il faut plus qu’un diplôme pour réussir dans notre société, il faut aussi être capable de s’y mouvoir, d’interagir avec des acteurs variés, …
• « L’apprentissage de la citoyenneté et de la manière de vivre en démocratie »
Cette priorité se retrouve dans le fonctionnement même du dispositif : les élèves ne sont pas simplement informés de ces notions, ils les vivent et les confrontent au quotidien avec la prétention de développer un système efficace pour gérer harmonieusement une collectivité.
• « Assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale »
Le dispositif vise non seulement à être égal et juste, mais aussi à inviter tous les élèves, dès leurs moments de vie à l’école, à se libérer de leur statut de spectateurs pour celui d’acteurs.
Identifier et décrire le potentiel de transférabilité de l’expérience
Le dispositif « école citoyenne » est transférable à n’importe quelle école/institution pour peu que ses acteurs adhèrent à la charte du MIEC (Mouvement des Institutions et Ecoles Citoyennes):
- Site MIEC :
http://www.miec.be/crbst_8.html
- Articles de référence pour aller plus loin :
HTTP://ISFCONCIT.JIMDO.COM/LES-GRANDS-PRINCIPES/POUR-ALLER-PLUS-LOIN/
En Fédération Wallonie-Bruxelles, il existe déjà tout un réseau d’écoles et institutions (une cinquantaine à ce jour) qui ont mis en place un dispositif de ce type.